Bas débit de gaz frais et Félix

Questions techniques, théoriques, le biomédical...

Modérateur : Marc

LP
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Message : # 21531Message non lu LP »

merci Yves pour ces explications très intéressantes.
juste pour ramener ces phénomènes de consommation d'oxygène patient et d'expliquer aussi les relations entre FIO2, apport de gaz frais et circuit fermé au niveau de la machine, il faut aussi prendre en compte le gaz vecteur N2O ou AIR.
si on considère un mélange O2/N2O à 50% O2 avec un DGF à 1 L/mn et une ventilation minute patient à 7 L/min et une FEO2 de 35%:
la machine injecte donc un mélange composé :
1l/min à 50% (DGF) + 6l/min à 35% (gaz expiré par le patient) = 7 l/min (ventilation minute patient):
donc vous voyez qu'il sera normal de voir que la FIO2 (gaz patient) sera plus proche de 35% (pondérée pour 6l/min)) que 50% (pondéré pour 1l/min) et donc pas du tout égale à 50% qui est votre O2 gaz frais.
question:
meme conditions mais avec un mélange gaz frais avec 02/AIR?
qu'est ce que nous sommes en droit d'attendre?
bonne reflexion!
Yves Benisty
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Message : # 21545Message non lu Yves Benisty »

lagregouille a écrit :Etant moi meme un peu beta, je fait le parallele (tres grossier je l'admet) des DGF avec une baignoire.
J'aime bien ce genre de parallèles. En cherchant un peu, on en trouve toujours un qu'on maîtrise bien et qui permet de passer l'information. Par exemple :

À la cantine, on a souvent de la purée au jambon. J'adore le jambon mais je déteste la purée. Alors je m'arrange avec la cantinière pour qu'elle me donne plutôt du jambon que de la purée, mais comme elle ne peut pas faire le tri, elle me donne les deux, et je me débrouille pour que la concentration de jambon dans mon assiette soit suffisante pour que je n'aie pas à le chercher dans la purée. Coup de chance pour moi, ma voisine adore la purée mais pas trop le jambon. Alors je lui refile la purée au fur et à mesure, pour maintenir une bonne concentration de jambon.

Le dgf, c'est ce que me donne la cantinière. Le jambon, c'est l'O2, ce que je consomme (mais je ne mange pas tout d'un coup, il y en a toujours dans mon assiette), et la purée, c'est l'azote (elle entre et sort de mon assiette sans être consommée.
Yves Benisty
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Message : # 21566Message non lu Yves Benisty »

LP a écrit :juste pour ramener ces phénomènes de consommation d'oxygène patient et d'expliquer aussi les relations entre FIO2, apport de gaz frais et circuit fermé au niveau de la machine, il faut aussi prendre en compte le gaz vecteur N2O ou AIR.
Il s'agit en fait plus d'un diluant que d'un vecteur. Il est plus simple de considérer le cas où on ventile avec un mélange O2/air (Si on veut être rigoureux, il s'agit d'un mélange O2/N2).

En effet, pour l'organisme, l'azote est un gaz neutre (en tout cas, dans des conditions de pression normale). Il entre et sort dans les poumons sans être ni absorbé ni relargué ni consommé. Pour être totalement exact, comme on ventile avec une FiN2 inférieure à 80 % (soit la FiN2 de l'air), l'azote aura un peu tendance à sortir des tissus.

Avec le N2O, c'est plus complexe. Au début de l'anesthésie, une partie du N2O sera absorbé et stocké dans l'organisme. Au bout d'un certain temps (disons deux heures), on peut considérer qu'on est à saturation (l'organisme n'absorbe pas de N2O). Le N2O entre et sort sans être absorbé. Pendant cette phase, quand on tourne avec un très faible DGF, le N2O est quasiment coupé (on n'apporte pratiquement que de l'O2). Pendant le réveil, le N2O quitte l'organisme et est évacué par les poumons.
LP a écrit :si on considère un mélange O2/N2O à 50% O2 avec un DGF à 1 L/mn et une ventilation minute patient à 7 L/min et une FEO2 de 35%:
la machine injecte donc un mélange composé :
1l/min à 50% (DGF) + 6l/min à 35% (gaz expiré par le patient) = 7 l/min (ventilation minute patient)
Je ne pense pas qu'on puisse considérer que ça se passe comme ça. En effet, il faut considérer la ventilation du patient en tenant compte de son bilan. Le respirateur insuffle le gaz, et le patient expire. La FeO2 dépend de la FiO2 (généralement, on a FeO2 = FiO2 - 0,05, soit une FeO2 inférieure de quelques % à la FiO2).

Le bilan de la ventilation, c'est que l'azote entre et sort sans être ni absorbé ni rejeté, et que l'O2 entre et sort, mais l'organisme en consomme une petite partie. Cette petite partie est à peu près remplacée par du CO2, mais le CO2 est piégé par la chaux.

Plus le DGF est bas, plus la concentration d'O2 doit être élevée. Par exemple, si on reprend le patient avec sa VO2 de 250 mL/min (quelle que soit sa ventilation minute), si l'objectif est d'atteindre une FiO2 à 50 %, il faudra utiliser :

pour 5 L/min de DGF, 52,5 % d'O2
pour 2 L/min de DGF, 56 % d'O2
pour 1 L/min de DGF, 62 % d'O2
pour 0,5 L/min de DGF, 75 % d'O2
pour 0,3 L/min de DGF, 92 % d'O2.
LP
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Message : # 21607Message non lu LP »

merci yves pour ctte contribution et on voit en partie un bénéfice de l'anesthésie à objectif de concentration qui contrairement à l'AIVOC est basé sur un asservissement d'une mesure de FIO2.
l'AIVOC est un asservissement basé sur un modèle mathématique qui a ses limites, et je pense qu'une de ses limites est liée aux interactions médicamenteuses.
qu'en pensez vous?
Yves Benisty
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Message : # 21608Message non lu Yves Benisty »

LP a écrit :merci yves pour ctte contribution et on voit en partie un bénéfice de l'anesthésie à objectif de concentration qui contrairement à l'AIVOC est basé sur un asservissement d'une mesure de FIO2.
l'AIVOC est un asservissement basé sur un modèle mathématique qui a ses limites, et je pense qu'une de ses limites est liée aux interactions médicamenteuses.
qu'en pensez vous?
Il y a deux choses différentes avec l'aivoc :

1) L'interaction médicamenteuse entre morphiniques et hypnotiques (par exemple, remifentanil et propofol). En effet, on s'aperçoit instinctivement que l'on peut obtenir la même profondeur d'anesthésie en utilisant par exemple de faibles doses de propofol et des doses plus importantes de rémifentanil, ou inversement des doses pus faibles de rémifentanil et des doses plus importanes de propofol.

On pourait tracer, pour un niveau de stuimulation stable, une courbe de couples de cibles propofol/rémifentanil.

2) La variabilité interindividuelle, qui va farie que pour le même stimulus, certains patient auront besoin de doses plus importantes que d'autres pour obtenir la même profondeur d'anesthésie.

Au total, l'aivoc prend tout son intérêt quand elle est couplée au bis.

Cela dit, le bis est également utilisable avec l'AIOC, et permet (probablement) d'adapter les concentrations d'hallogénés pour obtenir la profondeur d'anesthésie souhaitée.
Yves Benisty
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Message : # 26565Message non lu Yves Benisty »

Pour illustrer mon propos, je vous propose une photo.

Image

Ce patient a un Vt de 505 mL et une fréquence de 12 cycles par minute, ce qui fait 6,1 L/min. Le DGF est de 1 L/min, soit un rapport de 1 à 6 si on compare avec un circuit ouvert. Il est ventilé avec un mélange air/O2 (on devrait écrire "O2/N2"), en mode pression.

Le DGF a une FiO2 de 61 % donc 39 % d'azote (N2). Si on considère qu'il y a 21 % d'O2 dans l'air, il faut 494 mL/min d'air et 506 mL/min d'O2.

Or la FiO2 du patient est de 50 %. Pourquoi ? Parce qu'une partie de l'O2 est consommé. Si on reprend le calcul de la VO2 en fonction de ces données, on a :

VO2 = DGF x (FsO2 - FiO2)/(1 - FiO2) avec FsO2 la fraction d'O2 du DGF.

Ici FsO2 = 0,61, DGF = 1 L/min, et FiO2 = 0,5, ce qui fait

VO2 = (0,61-0,5)/(1-0,5) = 0,22 L/min. C'est une valeur plausible.

Une autre méthode de calcul consiste à multiplier la différence entre la FiO2 et la FeO2 par le volume minute. Ici, on a FiO2 = 0,5, FeO2 = 0,44, et Ve = 6,1 L/min, ce qui fait :

VO2 = 0,06 x 6,1 = 0,366 L/min. C'est également une valeur plausible.

Ces calculs montrent les limites de ces méthodes : les valeurs de FiO2, FeO2 et Ve sont arrondies. Or une petite différence dans les valeurs conduit à une grosse différence du résultat.
bicquet
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Message : # 26570Message non lu bicquet »

et pendant que l'on fait tout ces beaux calculs......on pense à regarder le patient, sa couleur et sa saturation.....pour adapter sa ventilation et son mélange gazeux!!!
il faut quand même rester simple....car en anesthésie plus on est est simple et moins c'est compliqué :LolLolLolLol: :bravo:

bon ok je sens que j'ai cassé l'ambiance :tu_sors:

Nb pour Yves: tes calculs et tes explications sont très sympa et assez clairs...permission de les utiliser pour les cours???
Yves Benisty
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Message : # 26571Message non lu Yves Benisty »

bicquet a écrit :Nb pour Yves: tes calculs et tes explications sont très sympa et assez clairs...permission de les utiliser pour les cours???
Pas de problème, quand on est prévenu, c'est toujours un plaisir d'être pompé }:->)
Yves Benisty
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Re:

Message : # 86462Message non lu Yves Benisty »

Yves Benisty a écrit :Une autre méthode de calcul consiste à multiplier la différence entre la FiO2 et la FeO2 par le volume minute. Ici, on a FiO2 = 0,5, FeO2 = 0,44, et Ve = 6,1 L/min, ce qui fait :

VO2 = 0,06 x 6,1 = 0,366 L/min. C'est également une valeur plausible.
Je déterre un vieux sujet sur lequel je suis en train de retravailler… Ça y est, j'ai compris pourquoi la valeur calculée en faisant la différence entre l'O2 qui entre et l'O2 qui sort est si différente de la valeur calculée avec le DGF, la FsO2 et la FiO2.

En fait, quand on écrit « la VO2, c'est la différence entre ce qui entre et ce qui sort », il faudrait ne considérer que la ventilation alvéolaire. Or la ventilation minute est la somme de la ventilation alvéolaire et de la ventilation de l'espace mort. Si on estime l'espace mort VD à 150 mL, le calcul devient :

VT = 505 mL
F = 12 cycles/min

La ventilation alvéolaire est donc égale à (505 – 150) x 12 = 4 260 mL/min. La FiO2 étant à 0,5 et la FeO2 à 0,44, la VO2 devient 0,06 x 4 260 = 256 mL/min. À comparer avec les 220 mL/min obtenus avec l'autre méthode de calcul... C'est tout de suite beaucoup plus cohérent…
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